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encore au printemps, avec des patins, sur les glaces que les vents d’est poussent vers la côte. Quelquefois ces animaux, trompés par le bruit que les vents font en hiver dans les forêts, tant il ressemble au mugissement des vagues, viennent jusqu’aux habitations souterraines des Kamtchadales, où ils tombent par l’ouverture d’en haut.

La plupart des navigateurs ont appelé vache marine ou manati le rytine, que Steller a le premier décrit avec exactitude. Le manati, ou lamentin, est un animal qui ressemble à celui-ci, mais que l’on ne trouve qu’entre les tropiques. La peau du rytine, noire, raboteuse, épaisse comme l’écorce d’un vieux chêne, est écailleuse et dure, au point de résister à la hache. Au lieu de dents, le rytine n’a que deux os blancs et plats, enchâssés dans les deux mâchoires. Ses yeux, petits en comparaison de sa tête, comme sa tête l’est à proportion de son corps, sont placés sur la même ligne que les narines, à distance égale entre le museau et les oreilles, qui sont des trous presque invisibles. Les deux pates ou nageoires qu’il a précisément au-dessous du cou lui servent à se cramponner si fortement aux rochers, que sa peau s’enlève par lambeaux avant que le pêcheur lui fasse lâcher prise. Cet animal pèse deux cents poudes ; sa longueur est d’environ quatre sagènes, c’est-à-dire, de vingt-six ou vingt-sept pieds, et son poids de sept à huit mille livres.