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et, leur eût-on crevé les yeux et cassé les dents, ou même le crâne, ils s’obstinent à se défendre. S’ils reculaient d’un pas, tous leurs voisins qui sont témoins du combat viendraient relancer les fuyards. Il arrive souvent, dans ce tumulte général, que chaque animal croyant que son voisin s’enfuit lors même qu’ils marchent à la bataille, ils courent tous les uns sur les autres, et s’entre-tuent sans aucun discernement. Quand la mêlée est ainsi engagée, les chasseurs ou les voyageurs peuvent passer impunément, et continuer leur route, ou piller et tuer à loisir.

Rien n’est plus singulier que le récit de Steller à ce sujet. « Un jour, dit-il, que j’étais avec un Cosaque, il creva les yeux à un chat marin, puis en attaqua cinq ou six à coups de pierre, et se retira du côté de l’aveugle. Celui-ci, croyant que ses compagnons qu’il entendait crier, couraient sur lui, se jeta sur ceux mêmes qui venaient à son secours. » Alors Steller, qui avait gagné une hauteur pour être témoin du combat que le Cosaque avait excité, vit tous ces animaux se tourner à leur tour contre l’aveugle, le poursuivre dans l’eau, où il s’était réfugié, le traîner sur le rivage, et le déchirer à coup de dents, jusqu’à ce qu’il restât mort sur la place.

Les combats ordinaires ne sont qu’un duel entre deux champions ; mais il dure jusqu’à l’épuisement des forces. D’abord il commence à coups de pates, les combattans cherchant en