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gloutons : il leur est sans doute plus facile d’en acheter, c’est-à-dire, de donner un ou deux loutres de mer pour deux pates blanches de glouton.

Le Kamtchatka est un pays trop hérissé de montagnes, de ronces et de frimas, pour que les ours y manquent. Il y en a, mais qui ne sont ni aussi grands, ni même aussi féroces que semblent l’annoncer la rigueur du climat. Rarement ils attaquent, à moins qu’à leur réveil ils ne trouvent quelqu’un auprès d’eux, que la crainte sans doute leur fait prendre pour ennemi. C’est alors que, pour se défendre, ils se jettent sur le passant. Ainsi l’ours est plus redoutable endormi qu’éveillé. Mais, au lieu de tuer l’homme, il lui enlève la peau du crâne depuis la nuque du cou, pour la rabattre sur les yeux du malheureux, comme s’il n’avait à redouter que sa vue. Quelquefois, dans sa fureur, il lui déchire les parties les plus charnues, et le laisse en cet état. On entend souvent au Kamtchatka de ces écorchés (dranki), qui, comme dit Lucrèce, remplissent les bois et les montagnes de leurs gémissemens, tenant leurs mains tremblantes sur des ulcères rongés de vers. Ce sont là les périls de la vie sauvage, moins nombreux et moins redoutables que ceux de la société. L’ours, moins inhumain que l’homme, épargne les êtres qu’il ne craint point. Loin de faire aucun mal aux femmes, souvent il les suit comme un animal domestique, con-