Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 11.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et une vie laborieuse rendent les plus robustes ; mais elle est trop chère pour leur pauvreté. Le marc de la chaudière est bon à faire de la braga pour le peuple, et ce qu’on en jette engraisse le bétail, qui le mange avec avidité.

Quelquefois on se dispense de ratisser l’écorce avant de distiller la plante ; mais elle produit alors une eau-de-vie qui a les effets les plus pernicieux ; elle coagule le sang, cause de violentes palpitations de cœur ; elle enivre aisément, et son excès va jusqu’à priver un homme de sentiment. Croit-on arrêter l’ivresse de cette boisson par un verre d’eau froide, on y retombe bientôt, et si elle n’ôte pas l’usage de tous les sens, elle engourdit au moins les pieds. Pour peu qu’on boive de cette eau-de-vie, elle trouble le sommeil de songes inquiétans, qui, dans les âmes superstitieuses, réveillent tous les remords du crime, et peuvent, dans le délire, leur arracher l’aveu de leurs forfaits cachés. Le Vieux de la montagne, qui savait inspirer l’audace du fanatisme par une ivresse délicieuse, aurait imprimé les terreurs de la superstition avec cette boisson. Bien des Kamtchadales n’osent manger de matteït, de peur de s’énerver. En revanche, ils s’en servent pour tuer la vermine, en se frottant les cheveux du suc qu’ils en tirent au printemps.

On a de l’eau-de-vie en plus grande abondance, et de meilleure qualité, lorsqu’au lieu d’eau pour distiller le matteït, on se sert d’une infusion de kiprei (epilobium). La moelle de