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verdure, un ciel serein, des arbres fruitiers dans toute leur parure, des chênes, les premiers qu’ils eût vus depuis son séjour en Russie ; des coteaux rians et couverts de bosquets, des villages opulens ; enfin tout lui retrace le souvenir et l’image de sa patrie. Il arrive à Cazan le 1er. octobre. Un prince tartare en était gouverneur : il fit servir au voyageur français des pipes avec du tabac de la Chine, des liqueurs, des confitures, des fruits, un melon d’eau. Chappe le trouva si délicieux, qu’il en prit de la graine pour la semer en France, mais elle n’y a pas réussi. L’archevêque russe ne fit pas moins d’accueil que le gouverneur tartare à l’académicien étranger. « C’est le seul prêtre, dit celui-ci, que j’aie vu dans ces vastes états, qui ne parût pas étonné, qu’on se transportât de Paris à Tobolsk pour y observer le passage de vénus sur le soleil. »

L’archevêque de Cazan cultive les sciences et les lettres dans une ville presque barbare. Cependant celle-ci est infiniment plus policée que toute la Sibérie ; il lui reste encore de l’opulence, quoiqu’elle en ait perdu la source avec son commerce ; elle abonde en denrées comestibles. Le pain y est même blanc. On y supplée au vin naturel par une liqueur artificielle faite d’eau-de-vie et de fruits, où l’on retrouve le goût et la couleur du vin. La noblesse y vit en société ; les femmes y mangent à table, au lieu d’y servir les hommes. Les Tartares, qui font le plus grand nombre des habitans, y sont