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s’était beaucoup accru, tant par ses premiers succès que par un peu de présomption de sa part, prétendirent que Voltaire l’avait renvoyé. Le patriarche de Ferney démentit ce bruit dans les gazettes. Grimm, instruit par les amis de Voltaire, et étant lui-même en liaison avec lui, assure que c’est par pure générosité que Voltaire donna un démenti aux adversaires de Laharpe, et que ce littérateur s’était réellement rendu coupable d’une grande indiscrétion, en répandant à Paris le deuxième chant de la Guerre de Genève, que Voltaire avait intérêt de tenir secret, et en soutenant ensuite qu’il le tenait d’un ami de ce grand homme. Il paraît donc que Voltaire se brouilla en effet avec Laharpe ; cependant comme vers le même temps madame Denis et madame Dupuis quittèrent Ferney, on peut croire que Voltaire était de mauvaise humeur contre tous ses convives.

On vient de parler de la présomption de Laharpe. Il est difficile qu’un poëte encouragé par les suffrages d’un public aussi éclairé que celui de la capitale de la France, et surtout par la plus belle partie de ce public, se mette assez en garde contre la vanité ; plus les applaudissemens donnés à des tirades de vers ou des phrases élégamment construites sont vifs et nombreux, plus on s’imagine être au nombre des premiers hommes du siècle, et plus on souffre avec peine la critique qui trouble les illusions d’un esprit enivré de louanges. Laharpe a donc pu repousser avec animosité ou avec amertume les attaques de ses adversaires ; mais parmi ceux-ci il y avait des écrivains qui, pour le moins, avaient autant de vanité que lui, sans l’égaler en talens. L’un d’eux disait de lui :