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Au monde qu'elle ignore aurait pu l'attacher ?

Son cœur avec le vôtre est-il d'intelligence ?

Vous abusez, Monval, de mon trop d'indulgence. [590]

Vous m'avez confié votre amour, vos projets.

J'en aurais désiré de plus heureux effets.

Vos sentiments sont purs ; ils n'ont pu me déplaire,

Et ma fille sans doute ainsi qu'à vous m'est chère.

Mais vous la connaissez ; elle sait son devoir, [595]

Et son père a sur elle un absolu pouvoir.

Quand elle aurait enfin aperçu votre flamme,

Vous êtes-vous flatté d'avoir fait sur son âme

Assez d'impression pour croire qu'en ces lieux

Son destin loin de vous soit à jamais affreux ? [600]

MONVAL

Pouvez-vous me traiter avec tant d'injustice ?

Quand je suis au moment du plus cruel supplice,

Pensez-vous que j'embrasse avec présomption

Du bonheur d'être aimé la douce illusion ?

Rien ne m'occupe ici, non, rien que Mélanie. [605]

Il s'agit de son sort, il s'agit de sa vie,

Et non pas d'un amour trop inutile hélas !

Je n'en parlerai plus, vous ne le voulez pas ;

Mais qu'elle ne soit point esclave, infortunée ;

Sans raison, dites-vous, je plains sa destinée. [610]

Croyez que sur ce point on ne peut me tromper ;

Que rien à mes regards ne pouvait échapper ;

Que j'ai vu de ses maux les secrètes atteintes,

Et qu'au fond de mon cœur j'entends toujours ses plaintes.

Je n'en suis que trop sur ; elle souffre et gémit. [615]

Vous même, pardonnez, quoique vous ayez dit,

Vous-même, je le vois, vous gémissez comme elle.

Vous étouffez en vain la douleur maternelle.