Page:La Harpe-Œuvres. Vol 1-1821.djvu/204

Cette page n’a pas encore été corrigée

On m'a dit qu'élevée en ces paisibles lieux

Vous y passiez des jours qui paraissaient heureux.

Et que du voile saint à seize ans revêtue, [295]

D'aucun regret encor vous n'étiez combattue.

Votre état vous plaisait : souvent on m'a vanté

Votre zèle naissant, votre félicité.

M'a t'on dit vrai ? Parlez.

MÉLANIE, devenue plus calme et avec le ton d'une tristesse douce et réfléchie.

Oui, je vous le confesse ;

Cette maison, Monsieur, fut chère à ma jeunesse. [300]

Je m'y voyais fêtée, on s'occupait de moi.

Chacun de m'amuser se faisait un emploi.

On détournait mes yeux de tout devoir pénible.

À tant d'empressement pouvais-je être insensible,

Dans un âge où le cœur est si prompt à s'ouvrir [305]

Aux premiers sentiments qui se viennent offrir,

Où les jours sont si purs, le bonheur si facile ?

Je crus qu'il habitait au sein de cet asile.

Je ne trouvais partout que des soins complaisants,

Des égards recherchés et des yeux caressants. [310]

Ce plaisir si flatteur d'intéresser les autres,

Les préjugés d'autrui qui deviennent les nôtres,

Tout ce que j'entendais du monde et de ses mœurs,

Les discours séduisants, les tendresses des sœurs,

Le penchant qui nous lie au séjour de l'enfance, [315]

Enfin l'amitié même et la reconnaissance,

Tout me fit une loi d'attacher pour toujours,

À ce qui m'entourait, mes destins et mes jours.

LE CURÉ

De semblables motifs n'ont rien que d'estimable.

Eh ! Bien, qui pût troubler cet état désirable ? [320]