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Mémoires

mon père et de ses amis : « Madame, venez vite ; monsieur veut vous donner un coup de pistolet. » Je dis : « Vraiment, la nouvelle est agréable. Allons le recevoir. » Je pars gaiement, quoi que l’on fît tout ce que l’on put pour m’en empêcher ; il vint quelques-uns de ces messieurs avec moi ; je trouvai M. d’Angoulême dans un passage, qui me dit : « Par la corbleu (c’étoit son jurement), voilà votre mari qui fait le fou ; où allez-vous ? » Je lui repartis : « Monsieur, je vais quérir un coup de pistolet, qu’il me veut donner. » — « Par la corbleu, n’y allez pas, me dit-il ; les voilà un cent qui ne sauroient le mettre à la raison. » Je lui dis : « Monseigneur, j’ai un secret pour l’y mettre, » et passai outre. Je trouvai mon mari à cheval, entouré de gens qui faisoient tous leurs efforts pour l’adoucir ; mais ils n’avançoient guère. Aussitôt que je l’eus approché, je lui dis : « Mon cavalier, pied à terre ; j’ai un mot à vous dire ; pour le coup de pistolet, nous en parlerons une autre fois. » Il sauta à l’heure même de son cheval pour me parler ; je l’entretins un moment, puis il se remit en selle le plus agréablement du monde, pour retourner chez lui.

Chacun fut surpris de ce changement ; mais on ne le devoit point être ; car nous nous sommes toujours parfaitement bien entendus, et je souhaiterois de tout mon cœur que tous ceux qui sont dans le mariage en fissent de même ; l’on ne verroit pas tant de divisions qu’on y en voit. Je fus retrouver mon père ; nous montâmes à cheval