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Mémoires

soit avant que je meure ; vous y aurez de la satisfaction ; et pour cet effet, je vous conjure que ce soit demain. » Mon père fut tellement touché de la bonté de cette princesse qu’il lui dit : « Madame, la chose sera comme vous me l’ordonnez, quoique j’eusse fait résolution de ne les voir jamais. Votre Altesse a tant de puissance sur moi qu’il n’y a rien au monde que je ne fasse pour elle. » — « Eh bien, répondit-elle, ce sera demain comme je vous ai dit ; monsieur mon mari vous fera embrasser les uns les autres ; cependant vous me faites plaisir, et je m’en souviendrai. » Mon père fit une profonde révérence et se retira jusqu’au lendemain, où nous ne manquâmes pas de nous trouver. L’accommodement se fit dans une chambre que l’on appelle la chambre du Roi, en présence de M. le duc d’Angoulême, de M. le comte d’Alais son fils, de madame la comtesse d’Alais sa belle-fille, et d’autres personnes de qualité. J’étois dans un petit cabinet avec mon mari ; l’on me fit entrer la première. Je courus me jeter aux pieds de mon père pour lui embrasser les genoux et versai quantité de larmes, qui parlèrent en ma faveur ; car mon père aussitôt me releva et me baisa, me disant avec des yeux un peu humides : « Je vous pardonne. » Mon mari entra ensuite. M. le duc d’Angoulême le présenta à mon père et lui dit : « Voilà votre gendre, qui est fâché de vous avoir déplu. » Son Altesse mit la main sur l’épaule de mon mari pour le faire pencher un peu plus bas ; mais il demeura ferme et ne fit sa