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Mémoires

à caution. Mon mari resta quelques mois auprès de moi, dont il en passa quelques-uns à la cour. Nous fîmes tous nos efforts pour voir mon père, ce qu’il ne voulut jamais nous accorder. Il en fallut demeurer là et attendre une occasion plus favorable. Cependant mon mari remit encore le pied à l’étrier pour se rendre à son devoir, à l’armée commandée par M. le maréchal de Brézé aux Pays-Bas[1]. Je ne fis point la femme en cette occasion, car il me dit que s’il me voyoit verser des larmes il ne reviendroit jamais, et que cela fût dit une fois pour toutes. C’étoit un rude arrêt prononcé pour moi ; mais il y fallut acquiescer et faire la gaie malgré que j’en eusse. J’avoue que cette première résolution me prépara à toutes les campagnes qui suivirent et me l’enlevèrent, qui furent trente en nombre, sans compter celles qu’il avoit faites auparavant. L’on peut connoître par là qu’il n’étoit pas novice aux travaux de Mars, puisque avant sa mort il avoit tant fait de caravanes. Quelque temps après son départ, je commençai à me trouver mal, mais de ce mal agréable, c’est-à-dire que je devins grosse. Les jeunes femmes sont ravies quand cela arrive. J’avois bien raison d’en avoir de la joie, car Dieu me fit la grâce de me donner un enfant qui a été depuis un excellent homme et a eu l’approba-

  1. Ce fut dans cette campagne, en 1635, que les maréchaux de Brézé et de Châtillon gagnèrent la bataille d’Avains contre les Espagnols, commandés par le prince Thomas de Savoie. Le maréchal de Brézé s’appeloit Urbain de Maillé.