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de Mme de La Guette.

que je pus et suivis mon mari. Nous courûmes le petit galop pour éviter la rencontre de mon père, qui venoit par le même chemin[1]. Nous arrivâmes chez mon mari sans aucune mauvaise rencontre. Il m’y reçut agréablement et m’y dit tant de choses obligeantes que j’oubliai bientôt tout ce que je venois de quitter. Je renonçai à la tendresse d’un père et d’une mère qui m’aimoient autant qu’on peut aimer. Le grand amour et ce grand naturel que mon père avoit pour moi se changea dans la suite en haine. Il prit donc congé de M. d’Angoulême, qui lui donna un gentilhomme pour l’accompagner et pour voir ce qu’il feroit. Le long du chemin, ils ne parlèrent d’autre chose que de mon mariage, mon père étant toujours transporté de fureur. Comme il fut arrivé chez lui, un grand valet lui venant ouvrir la porte, il lui demanda où j’étois. Le pauvre garçon lui répondit en tremblant que M. de La Guette m’avoit emmenée. Il lui appliqua à ces mots un si furieux soufflet qu’il le renversa par terre ; et il l’auroit assommé sur la place sans le gentilhomme qui l’en empêcha. Ma mère survint pour essayer de l’adoucir ; mais il ne l’écouta en aucune manière ; et même il la querella, lui disant qu’il y avoit de sa

  1. Grosbois est entre Sussy et Mandres, presque a égale distance des deux, le premier au nord, le second au sud. M. et Mme de La Guette, qui alloient de Mandres à Sussy, dévoient passer par Grosbois ; et par conséquent ils étoient exposés à rencontrer dans la première moitié de leur route M. de Meurdrac, qui revenoit de Grosbois à Mandres.