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Mémoires

notre chapitre, lui disant qu’il s’étonnoit pourquoi il ne faisoit pas notre mariage. Mon père repartit à M. d’Angoulême qu’il n’en avoit point de raison, mais qu’il ne pouvoit se vaincre là-dessus à l’heure même. M. le duc lui dit : « Mon cher ami, l’affaire est faite ; votre fille est mariée ; et la Guette est votre gendre. » Mon pauvre père reçut cette nouvelle comme un coup de foudre. Jamais homme ne fut si surpris ; il perdit le respect devant ce bon prince ; il jura, tempêta et menaça même horriblement, disant qu’il me tueroit dès qu’il seroit au logis. M. d’Angoulême, voyant qu’il ne revenoit point de son emportement, fit dire à mon mari, qui étoit dans une chambre voisine, de prendre une haquenée dans son écurie pour me venir quérir et m’emmener au plus tôt chez luy, cependant que l’on amuseroit mon père. C’étoit un prince qui n’aimoit pas le désordre. Mon mari monta à cheval sans se faire davantage tirer l’oreille. Un valet de pied monta la haquenée, et ils galopèrent tous deux d’une telle vitesse qu’ils se rendirent en une demi-heure de temps chez nous. Je les aperçus de loin ; je courus droit à la porte, pour savoir ce que nous deviendrions. Il n’eut pas plus tôt mis pied à terre, qu’il me dit : « Montez vite à cheval ; il n’y a point de temps à perdre. » Je fus donc alors embrasser ma bonne mère, que je trouvai en larmes, parce qu’elle m’aimoit passionnément, et notre séparation lui étoit sensible au dernier point. Je la consolai le mieux