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Mémoires

pas ? » Tout me frémissoit à ces paroles ; et je ne savois que répondre. Je le suppliai enfin de ne me point presser là-dessus, et lui dis que je me trouvois si heureuse auprès de lui, que j’étois résolue de ne le quitter jamais. Il me repartit : « Vous êtes une sotte ; vous ne connoissez pas votre avantage ; je passerai outre. Je vous donne seulement huit jours pour vous déterminer. » Je n’eus pas le petit mot à dire, espérant que ma mère détourneroit l’orage qui me menaçoit. Je la fus trouver le lendemain à sa chambre, et je me jetai à ses pieds pour la conjurer d’avoir compassion d’une misérable qu’on vouloit forcer à prendre un homme, et qu’elle-même savoit bien que je n’aurois jamais d’inclination que pour le sieur de La Guette. Elle me dit : « Ne vous mettez pas en peine. Je porterai votre père à remercier ces messieurs et le prierai de vous laisser en repos. » Elle eut assez de pouvoir pour l’obtenir, si bien qu’on ne me parloit plus de rien ; et je vivois contente. Il fallut pourtant donner avis à notre guerrier de tout ce qui s’étoit passé. Il étoit au siège de La Motte en Lorraine[1] et ne pouvoit pas quitter que la place ne fût rendue, ce qui arriva incontinent après qu’il

  1. 1634. Le siége fut fait et la place prise par le maréchal de La Force. On s’y servit pour la première fois des bombes, dont l’invention remonte pourtant à 1588. Il n’y eut pas pendant plusieurs années d’expédition militaire plus fameuse ; et en ce temps-là, pour avoir une réputation de bravoure, il suffisoit de pouvoir dire qu’on avoit été au siège de La Motte. Histoire de la ville et des deux siéges de La Mothe, par Du Boys de Riocourt.