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de Mme  de La Guette.

joue son jeu. Il falloit donc m’en retourner au logis sans savoir pourquoi. Ma mère ne m’en dit rien, parce que mon père le lui avoit défendu. Je vis ma confidente à mon ordinaire, tantôt chez elle, tantôt chez nous. Elle y étoit bien venue, et l’on ne savoit pas notre intrigue. Un soir que nous nous promenions dans nos enclos, mon père, ma mère et moi, il y vint un laquais de madame l’abbesse de Gersi[1], que l’on appeloit madame de Vatan[2]. Il présenta un billet à mon père. Aussitôt qu’il en eut fait la lecture, il lui dit : « Mon amy, dites à Madame que je ne manquerai pas de me trouver demain chez elle avec ma femme et ma fille ; » puis s’adressant à nous, il dit : « C’est une religieuse qui va prendre l’habit ; elle nous prie de nous trouver à la cérémonie. » Il y fallut donc aller, quoique je fisse toute chose pour m’en défendre. En arrivant nous allâmes droit à l’église. Dix heures étant sonnées, et, ne voyant pas de préparation, je demanday à une tourrière si la cérémonie commenceroit bientôt ; elle fut surprise et me dit : « Mademoiselle, quelle cérémonie ? » — « De

  1. L’abbaye de Gercy ou Jarcy, au diocèse de Meaux, sur la petite rivière d’Yerre, avoit été fondée en 1269 par Alphonse, comte de Toulouse et de Poitiers, frère de saint Louis, et par sa femme Jeanne. Elle étoit au commencement de l’ordre de saint Augustin. La règle de saint Benoît y fut introduite en 1515. Gercy est située dans la commune de Varennes.
  2. Jeanne Du Puy, fille de Vincent, seigneur de Vatan, et de Louise Robertet. D’abord abbesse de Saint-Antoine de Paris, elle eut l’abbaye de Gercy en 1600, et mourut le 2 décembre 1640.