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Mémoires

d’honneur fort sages et fort spirituelles. Nous nous voyions à tous moments et avions la satisfaction de nous promener fort souvent dans ce parc tant renommé pour la quantité des bêtes fauves qui y étoient, et pour ses belles allées à perte de vue. L’on s’y entretenoit avec plaisir ; et l’on jouoit à mille petits jeux d’esprit. Monsieur le duc d’Angoulême, qui aimoit la chasse éperdument, y couroit le cerf fort souvent, et les dames en avoient tout le passe-temps. Je n’en quittois pas ma part, parce que ç’a été une de mes passions dominantes. Au retour de la prise du cerf, il y avoit un extrême plaisir d’en voir faire la curée et d’entendre sonner un grand nombre de cors pour animer les chiens, qui faisoient un clabaudis le plus grand du monde dans le chieny[1]. Il faisoit dangereux de se trouver à l’ouverture de la porte ; car ils couroient avec furie pour manger ce qui leur étoit préparé sur la nappe du cerf[2].

Cependant je recevois toujours quelques nouvelles de mon futur époux qui ne m’étoient pas désagréables. Mon père, de son côté, étoit bien aise de m’avoir. Il jeta enfin les yeux sur un qui étoit fort à son gré, à cause qu’il avoit beaucoup de bien. Tous les pères en sont logés là ; et je trouve qu’ils ont raison, car il y a plaisir quand la marmite

  1. Il y a peut-être là une faute d’impression. Au moins est-il certain qu’à la fin du XVIIe siècle, on disoit chenil comme aujourd’hui.
  2. C’est la peau du cerf qu’on entend quand on veut donner la curée aux chiens. Dictionn. de Furetière.