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de Mme  de La Guette.

lui dit ensuite : « Monsieur, vous pouvez prendre congé de la compagnie ; n’y revenez jamais. Je suis votre serviteur » et nous quitta. Il se fallut donc séparer malgré nous ; mais ce que nous avions dit, étoit dit. Il monta à cheval et partit de la main comme un foudre. Je crois que son pauvre animal en eut de bons coups d’éperons dans le ventre. Mon père ne m’en fit pas plus mauvaise mine, dans la créance qu’il avoit que je lui obéirois. Le sieur de La Guette resta encore quelque temps dans le pays. Il voyoit notre veuve fort souvent pour apprendre de mes nouvelles et me donner des siennes ; mais il eut ordre de retourner en Lorraine. Dès qu’il fut parti, je le dis à ma mère, afin que mon père en fût averti. Il en eut bien de la joye ; je n’en fis paroître aucun chagrin. À quelque temps de là je demandai congé d’aller voir ma sœur et d’y rester deux ou trois mois. On me l’accorda facilement. Je trouvai à Grosbois cette illustre princesse dont j’ay parlé, et madame la comtesse d’Alais[1] sa belle-fille, qui est madame la duchesse d’Angoulême d’aujourd’hui, qui ne cède à personne pour son rare mérite, et dont la piété, entre ses autres vertus, fait le principal caractère. J’avois l’honneur de leur rendre mes très-humbles respects tous les jours ; et je puis dire qu’elles m’aimèrent l’une et l’autre. Elles avoient des filles

  1. Henriette de La Guiche, dame de Chaumont, veuve de Jacques de Matignon, comte de Thorigny, femme de Louis-Emmanuel de Valois, comte d’Aletz ou d’Alais.