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de Mme  de La Guette.

par là qu’il m’aimoit d’une façon tout extraordinaire, et que l’excès de son amour lui faisoit dire toutes ces choses. Bien que ma mère fût saisie d’un grand tremblement, elle fit néanmoins tout ce qu’elle put pour l’adoucir, lui faisant espérer qu’elle parleroit à mon père en sa faveur. Ces bonnes paroles calmèrent un peu l’orage ; il resta là encore un moment, et prit congé de nous pour s’en retourner à Sussi[1], en Brie, où il faisoit son séjour quand il étoit au pays. Notre demeure étoit à une lieue de Grosbois, au village de Mandre[2]. Quand il fut sorti du logis, mon père vint à son tour faire des menaces, et me dit nettement qu’il me défendoit de le voir ; qu’il ne vouloit pas pour gendre un homme si emporté, et qu’il n’en fût plus parlé. Nous demeurâmes muettes, ma mère et moi ; elle par discrétion, et moi par respect.

Je ne manquai pas ensuite de voir ma confidente aussitôt que j’en eus le temps, pour lui décharger mon cœur ; car je n’étois pas résolue d’en demeurer là, comme mon père prétendoit, puisque la Providence divine en avoit ordonné autrement.

Je fis savoir de mes nouvelles au sieur de la

  1. Ou mieux Sussy, joli village à quatre lieues de Paris, dans la Brie, sur la rive gauche de la Marne, à l’endroit où cette rivière fait un circuit comme pour envelopper le territoire de Saint-Maur-les-Fossés.
  2. Mandre est situé entre Brunoy et Perigny, sur une des collines qui bordent la vallée d’Yerre à l’est. Il a Brie-Comte-Robert à l’ouest et Jarzy au sud.