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Mémoires

sein et faire sa déclaration à mon père, qui le recevoit toujours parfaitement bien, ne sachant point le sujet de ses visites, qui durèrent encore quelque temps, jusqu’à ce qu’enfin il parla tout de bon. Mon père l’écouta attentivement, et ensuite lui fit le remercîment le plus honnête qu’il put, lui disant qu’il étoit fort fâché de ce qu’il ne le pouvoit accepter, parce qu’il s’étoit engagé de parole à un autre, et le supplia de n’y plus songer davantage, et luy dit qu’il lui auroit toujours la dernière obligation et que j’étois une personne qui ne le méritoit pas. Mais comme le sieur de la Guette étoit l’homme du monde le plus violent, il reçut ce refus d’une étrange manière. Il se mit à jurer et à tempêter horriblement, disant qu’il sauroit bien dégager mon père de sa parole. Mon père, qui n’étoit pas d’humeur à souffrir de tels emportements, luy repartit qu’il n’en seroit point autre chose. Tout ce tintamarre-là dura plus d’une heure dans son cabinet : l’un à déclarer ses sentiments, l’autre à les combattre. Ma mère et moi nous étions dans une salle en attendant le retour du cavalier ; il y entra avec la plus grande furie du monde, disant que mon père l’avoit refusé, mais qu’il se sauroit bien satisfaire et qu’il étoit résolu de tuer jusqu’à la septième génération, et qu’il commenceroit par moi. Ces fleurettes-là n’auroient pas été fort agréables à une personne qui auroit eu de la timidité ; mais cela ne me servoit qu’à le considérer davantage, puisque je jugeai