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de Mme de La Guette.

sages princesses que la terre porta jamais. Là je commençai à voir le grand monde, et j’y prenois un singulier plaisir. Cela m’étoit fort avantageux, parce que j’en ai un peu profité depuis, ayant su me tirer de la presse selon les occasions. Mais enfin les choses ne sont pas toujours stables ; la plus belle vie et la plus tranquille est sujette à des traverses, et à plusieurs sortes d’incidents ; l’on en verra assez dans la mienne.

Mon père, qui ne songeoit qu’à mon établissement par un mariage, commença à écouter plusieurs partis qui se présentèrent ; car chacun sait que quand on a du bien, l’on ne manque pas de prétendants. Il me fit assez de propositions différentes sur ce sujet, et vouloit bien me donner la connoissance de tous ceux qui me faisoient l’honneur de me rechercher, afin d’en dire mon petit sentiment, qui étoit toujours fort éloigné du sien ; et quand on me parloit de mariage, on me faisoit un sensible déplaisir. Je suppliai donc mon père et ma mère de ne m’en plus parler ; ce qu’ils eurent la bonté de m’accorder, jugeant bien que rien ne pressoit, puisque j’étois encore fort jeune. Je demeurai contente et satisfaite, continuant la même sorte de vie, qui n’étoit pas des moins agréables ; mais un jour que ma mère alla rendre ses respects à madame d’Angoulème, je vis dans la chambre de cette princesse un homme fort bien fait, qui me regarda beaucoup. Cela me donna la curiosité de m’informer qui il étoit. Ma sœur m’apprit que