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Mémoires

bienfaisante. J’y admirois ces beautés avec plaisir, et je crois que si Cupidon s’y fût rencontré, il n’auroit pas été moins sensible à leurs charmes qu’à ceux de Psyché. J’allois aussi fort souvent au château de Grosbois auprès de ma sœur aînée[1], qui en avoit épousé le capitaine ; et je fus si heureuse que madame la duchesse d’Angoulême[2], à qui appartenoit le château, me prit en affection. C’étoit cette grande duchesse, fille du connétable de Montmorency, la merveille de son temps et une des plus

  1. Elle s’appeloit Marie Meurdrac. Le château de Grosbois est situé dans la commune de Boissy-Saint-Léger, entre Corbeil et Brie-Comte-Robert. Le duc d’Angoulême, dont nous parlerons plus loin, le fit bâtir au commencement du xviie siècle sur un terrain qu’il avoit acheté d’Achille de Harlay, sieur de Sancy, ambassadeur près de la Sublime-Porte, puis père de l’Oratoire, et enfin évêque de Saint-Malo. « M. d’Angoulême, dit Tallemant des Réaux, ne pouvoit s’empescher de bastir tousjours quelque maisonnette ; mais il n’avoit garde d’achever Grosbois. Comme il n’estoit pas riche, cela l’incommodoit. » Cette incommodité fut cause que Grosbois, qui étoit un village avant la venue du duc, devint après un hameau dépendant de Boissy-Saint-Léger. Le nouveau propriétaire avoit, en effet, compris dans ses projets de construction une chapelle dont il se proposoit de faire en même temps l’église paroissiale ; et cependant il avoit fait démolir la vieille église, qui ne lui plaisoit pas. Lassés d’attendre, les habitants se plaignirent. On ne vit alors rien de mieux à faire pour les apaiser que de les annexer à la paroisse la plus voisine. Seize ou dix-sept ans après la mort du duc d’Angoulême, le château fut vendu au marquis de Pienne. La fille du marquis, Olympe de Breuilly, le transporta dans la maison d’Aumont. En 1701, il fut acheté par le premier président du parlement de Paris, Achille de Harlay, qui le termina enfin. Il appartient aujourd’hui aux héritiers d’Alexandre Berthier, prince de Wagram et de Neuchâtel.
  2. Charlotte de Montmorency, fille aînée de Henri Ier de Montmorency, duc et pair et connétable de France, et de Antoinette de Bouillon La Marck.