Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/262

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
210
Mémoires

Je retournai à Paris malgré mon fils, qui auroit été bien aise de me retenir auprès de lui ; mais j’avois des affaires pressantes qui m’obligèrent à m’en aller. Quelque temps après il se lassa du service d’Espagne, voyant qu’on ne lui donnoit pas les emplois qu’il auroit pu prétendre, ce qui rebute un homme d’honneur. Comme il étoit dans ce sentiment-là, quelques personnes de qualité et de ses amis lui persuadèrent de servir Messieurs les États, et l’assurèrent en même temps que M. le prince d’Orange[1] auroit de la considération pour lui, parce que ce grand prince fait une estime particulière des gens de cœur. Mon fils, qui n’étoit pas apprenti dans le métier, espéra que Son Altesse le gratifieroit de l’honneur de sa bienveillance quand elle auroit reconnu de quelle façon il se destinoit à

    que le prince d’Orange avoit été obligé de lever. Monterey prétendit que la faute en étoit à Marsin, qui avoit mis de la négligence à envoyer les approvisionnements nécessaires devant la place, et il le lui dit assez aigrement. La réprimande fut reçue d’abord avec soumission ; mais Marsin ne tarda pas à s’apercevoir que l’on en parloit tout à fait à son désavantage. On l’accusoit d’avoir voulu par la se ménager la faveur de Louis XIV et rendre plus facile l’accommodement que négocioit sa femme. Il eut avec Monterey une explication très-vive, quitta le service de l’Espagne et se retira, dit Basnage, sur une de ses terres dans le pays de Liège. Madame de La Guette nous apprendra un peu plus loin que cette terre s’appeloit Modane. Marsin mourut l’année suivante, dans un voyage qu’il fit à Spa dans l’espérance d’y rétablir sa santé délabrée. Basnage rapporte qu’on soupçonnoit d’avoir sollicité très-activement contre Monterey, qui n’en avoit encore que l’intérim, le gouvernement des Bays-Bas espagnols.

  1. Guillaume-Henry d’Orange, stathouder de Hollande, plus tard Guillaume III, roi d’Angleterre.