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Mémoires

me pria de lui donner sa sœur, celle que le chevalier de Saint-Hubert avoit recherchée, pour faire compagnie à ma belle-fille. J’y consentis, sachant bien que son frère l’aimoit et la considéroit beaucoup, et qu’elle seroit en bonne main. Des deux autres qui me restèrent, l’une se fit religieuse, mais véritablement religieuse, ce qui me donna une extrême consolation, et l’autre mourut quelque temps après.

Je demeurai donc sans avoir aucun de mes enfants près de moi, et je me trouvai assez chagrine, ce qui me donna envie de faire le voyage de Flandre pour voir le reste de ma famille, à qui j’ai toujours eu assez d’attache. Ils étoient tous à Gand, parce que le régiment dont mon fils étoit major y étoit en garnison. Je me mis dans le carrosse de Lille avec bonne compagnie. Comme nous montions, une après dînée, en carrosse à Arras, j’allai un peu trop brusquement, en sorte que le pied me manqua en le voulant mettre dans la portière ; je tombai et me déboîtai encore le même bras dont j’avois déjà tant souffert. Je me fis une douleur très-sensible ; mais j’y remédiai promptement, ayant envoyé chercher le plus fameux chirurgien de la ville pour me le remettre. C’étoit un habile homme, qui me tint fort peu de temps et fit l’opération à merveille, non toutefois sans de grandes douleurs, car cela ne se pouvoit faire autrement. Néanmoins tous ceux de la compagnie admirèrent ma constance, n’ayant pas dit une seule fois au chi-