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Mémoires

encore plus de bruit que la précédente. Alors je commençai d’avoir peur pour ma personne, sachant bien que ces misérables bêtes n’avoient point été mordues à sang, et que néanmoins elles enrageoient les unes après les autres. Je crus qu’il me pourroit arriver la même chose. Je fis encore tuer cette dernière, et pris résolution de m’en aller le lendemain à Paris, pour trouver le chevalier de Saint-Hubert[1], et le prier de me toucher. Comme

  1. Georges Hubert, dit le chevalier de Saint-Hubert. M. l’abbé Lecanu, dans son Dictionnaire des Prophéties et des Miracles, l’appelle un chevalier d’industrie. Comment, en effet, avoit-il obtenu de Louis XIV, le 31 décembre 1649, des lettres patentes pour toucher les personnes mordues de bêtes enragées ou qui craignoient de l’être quelque jour, et de Jean-François de Gondi, archevêque de Paris, le 2 août 1652, la permission de toucher dans son diocèse, avec la concession de la chapelle de Saint-Joseph dans la paroisse de Saint-Eustache ? Cette permission fut renouvelée en 1666 par monseigneur Hardouin de Péréfixe, en 1689 par monseigneur de Harlay, et par monseigneur de Noailles en 1691. Henry de Gondrin, archevêque de Sens, délivra une permission semblable au chevalier de Saint-Hubert en 1654 ; et après lui, les évêques d’Angers, de Tournay, d’Arras, de Saint-Omer, etc. Jean-François de Gondy déclara dans ses lettres que, plusieurs années auparavant, le chevalier avoit préservé de la rage des animaux mordus tant en ses maisons de Gondy et de Saint-Cloud qu’au château et ès fermes de Noisy ; Henry de Gondrin atteste qu’il avoit guéri un neveu d’un de ses grands vicaires « étant en frénésie de rage. » L’abbé Lecanu doute que ces faits aient été bien vérifiés ; mais madame de La Guette ne parle-t-elle pas sur de bons témoignages ? L’abbé Lecanu présente une autre objection : une cédule de 1701 certifia que le chevalier de Saint-Hubert étoit seul issu de la noble race de l’évêque de Liége ; comment seroit-il possible, dit-il que ce fût toujours le même individu pendant un laps de temps aussi long ? Mais le récit de madame de La Guette se rapporte a une époque postérieure à 1660. Mettons 1662. On verra tout à l’heure que