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de Mme de La Guette.

sordre épouvantable, par le moyen d’un loup enragé qui avoit mordu plusieurs personnes, qu’on avoit été obligé de tuer à coups de fusil, et qu’elles appréhendoient fort pour moi. Tout cela ne m’étonna point encore. Le lendemain au matin, comme nous déjeunions ensemble, une servante vint me dire qu’une des vaches ne vouloit pas manger. Je commandai de lui donner du son et de l’avoine pour la remettre en appétit. Les bonnes filles me dirent : « C’est la rage infailliblement. » Je les quittai pour aller voir ce que c’étoit, et aussitôt que je fus entrée dans l’étable la rage commença à jouer son jeu. Cette vache faisoit des bonds, toute liée qu’elle étoit, et des beuglements si effroyables que cela faisoit horreur. Mes petites religieuses s’enfuirent sans me dire adieu. Je fis prendre cette pauvre bête, quand cet accès de rage fut passé, et la fis attacher avec deux bonnes cordes à des crampons de fer, pour voir ce qu’elle deviendroit. On lui donna un breuvage, pendant que je n’y étois pas, et elle faisoit toujours son tintamarre de temps en temps. Je voulus aller encore voir cette malheureuse bête. En entrant où elle étoit, j’aperçus quelque chose sur de la paille. Je demandai ce que c’étoit et le pris. On me dit que c’étoit une corne qui avoit servi à lui donner son breuvage, et qui étoit toute remplie de bave, en sorte que je ne pus pas la toucher sans que ma main en demeurât toute couverte. On fut enfin obligé de la tuer. Le lendemain une autre devint aussi en rage, qui faisoit