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Mémoires

sion de moi. J’étois tellement en sueur par mon agitation, que l’eau couloit sur moi de tous côtés. À la fin je m’endormis, et Dieu sait quel fut mon repos !

Le lendemain j’eus un furieux redoublement de douleur quand on vint prendre le corps pour le mettre en terre[1]. J’avois mes filles auprès de moi, qui faisoient tous leurs efforts pour me consoler ; ces bonnes créatures cherchoient toutes sortes de moyens pour me satisfaire et pour soulager ma douleur. Elles firent tout leur possible par la suite du temps pour me faire oublier la perte que j’avois faite, et je me soumis à la volonté du Tout-Puissant.

Quelque temps après, mon fils aîné passa en France et me donna tant de témoignages de son bon naturel que j’avois lieu d’être la plus satisfaite de toutes les mères. Je le possédai quelques jours ; puis il retourna aux Pays-Bas, d’où il m’écrivit quelques mois après qu’il s’en alloit en Allemagne avec M. le prince d’Isanguin, pour voir M. l’électeur de Brandebourg, et que M. d’Isanguin lui avoit dit de se préparer à bien boire, parce que M. l’électeur étoit un prince chez qui on faisoit grande chère, et que les Allemands tirent avantage de mettre les gens sur le côté à coups de verre ; qu’il

  1. Les registres de la paroisse de Sussy portent sous l’année 1665 : « Ce 22 juin a été inhumé dans le cimetière de ce lieu Jean Marius, autrement dit de La Guette, capitaine d’une compagnie de chevau-légers. » Signé : Taillar.