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de Mme  de La Guette.

en plusieurs rencontres, et je lui serai toute ma vie redevable, n’ayant jamais eu le bonheur de lui rendre aucun service ; mais j’en ai dans mon âme toute la reconnoissance que j’en dois avoir. C’est une digne personne, et des plus vertueuses qu’il y ait au monde.

Après que nous eûmes dîné (car je voulus être à table et régaler ceux qui m’avoient assistée), on me remit au lit. J’en avois un extrême besoin, car quand on est deux mois sans dormir, c’est quelque chose de bien extraordinaire. Le seigneur Morphée joua son jeu d’abord, et cela alla tout d’une haleine jusqu’au lendemain, ce qui me fit tous les biens imaginables. M. de La Guette ne manqua pas d’écrire à mon fils pour lui faire savoir en quel état j’étois. Il revint aussitôt et me témoigna la joie qu’il avoit de me revoir bien rétablie ; car il m’avoua qu’il avoit cru que je mourrois dans l’opération. Il demeura chez nous jusqu’au mariage du roi[1], qu’il voulut aller voir à Saint-Jean-de-Luz, et prit pour cet effet la poste et eut l’honneur de courir avec M. le duc de Coalin[2].

M. le comte de Marsin avoit fait son traité avec l’Espagne, et le roi lui avoit permis de ramener six compagnies de son régiment en Flandre, et conséquemment tous ses officiers. Mon fils aîné, qui

  1. Juin 1660.
  2. Armand du Cambout, marquis de Coislin. Il ne fut fait duc qu’au mois de décembre 1663 ; mais il ne faut pas oublier que les Mémoires de madame de La Guette sont au plus tôt de 1673, et qu’ils n’ont été publiés qu’en 1681.