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Mémoires

Tous ceux de la compagnie se mirent à rire de cet impromptu bâti comme vous le voyez. En effet, ils avoient raison de s’en divertir ; je n’en perdois pas ma part, non plus que les autres. Quand nous eûmes dîné, Mme d’Hocquincourt me dit : « Vous avez vu mon portrait, madame. Je vous prie de me donner le vôtre. » Ils me pressèrent tous de lui donner satisfaction ; et ne pouvant m’en défendre, je demandai du papier et de l’encre, et j’écrivis ce qui suit :

Vous qui demandez ma peinture.
Souffrez que je vous die en vers
Que ce grand et vaste univers
N’a point de telle créature.

Je suis certaine que ma taille
Est enviée de quantité ;
L’on y voit une majesté
Qui n’est point parmy la canaille.

Je sais fort bien que ma démarche
Tient un peu trop du masculin ;
Mais je dis que le féminin
Ne fut jamais ce qui m’attache.

Si je suivois ma fantaisie.
Je m’en irois dans les combats,
Avec un fort grand coutelas.
Faire une étrange boucherie.

Pour ce qui est de mon visage,
Vous en ferez le jugement
Selon votre discernement ;
Je n’en diray pas davantage.