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Mémoires

et la satisfaction du roi. Mon mari lui repartit qu’il s’en alloit retrouver M. le comte de Marsin. Son Éminence lui dit : « Je ne vous le conseille pas, car on pourroit bien vous arrêter en chemin. Prenez-y garde. » Cela n’étonna point M. de La Guette, qui lui repartit : « Monseigneur, il en sera ce qui plaira au roi ; mais mon honneur m’oblige à retourner. » Son Éminence lui dit : « Faites donc ce que vous voudrez. » Il fit une grande révérence et se retira. Le même jour, il prit la poste pour Bordeaux, et, de là, il passa en Flandre avec M. le comte de Marsin. Cela fut cause que je n’osai plus paroître à la Cour, et que tous les services que j’avois rendus demeurèrent ensevelis, ce qui ne m’empêchoit pas d’avoir la plus grande satisfaction du monde en moi-même, puisque j’étois cause que tant de gens avoient reconnu leur faute et étoient rentrés dans leur devoir. Je me résolus de me retirer à ma maison de campagne, et, avant que d’y aller, je fus requérir mes filles, qui étoient à Ville-Chasson, dans le Gatinois, justement dans le temps que cette misérable bête y dévoroit tant de gens qu’une de mes parentes me dit qu’elle en avoit déjà fait mourir plus de six cents de compte fait. Elle en vouloit particulièrement aux femmes et aux filles, et leur mangeoit les deux mamelles et le milieu du front, puis les laissoit là. Cela causoit par tout le pays une si grande consternation, qu’on ne parloit que de la bête du Gatinois comme d’une chose effroyable. Quand je fus à Montereau-Faut-Yonne,