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Mémoires

l’autre, nous leur ferions bonne sauce. Ils nous viennent ravager jusqu’à nos portes. » Je lui dis : « N’avez-vous pas une bonne garnison ? Ne sauriez vous courir dessus ? » Il me dit : « Vous n’avez qu’à la regarder. La voilà sous vos fenêtres. » Il me parla toujours avec la plus grande arrogance du monde ; car il croyoit en son âme que j’étois M. le comte de Marsin. Un moment après, je vis entrer un gentilhomme dans ma chambre, qui me regardoit ; je le regardois aussi. Ensuite il en entra plusieurs autres à la file, et je ne savois ce que cela signifioit. Enfin il en entra un qui, après m’avoir regardée fort attentivement et fort fixement, dit aux autres : « Messieurs, réjouissons-nous. Je vous viens apprendre la meilleure nouvelle du monde ;

    Après avoir fait la guerre sous Gustave-Adolphe, Balthazar entra au service de France dans le temps de la bataille de Nordlingen avec les troupes veymariennes. Il fut employé d’abord avec le grade de colonel, en Bourgogne, contre Jean de Werth, puis en Catalogne sous le maréchal de Lamothe Houdancourt, le comte d’Harcourt, le prince de Condé, le maréchal de Schomberg, le cardinal de Sainte-Cécile et le duc de Mercœur. En 1651 il se jeta dans le parti du prince de Condé, parce que la reine l’avoit refusé au comte d’Harcourt pour servir en Guyenne : « Il fit ce qui étoit du tout contraire à son honneur et à son intention. Il lui étoit fort fâcheux qu’on l’amusât de tant de vaines espérances. Il ne pouvoit plus faire la guerre à ses dépens, ni payer de sa personne et de sa bourse. Il partit donc de Montpellier le 18 novembre 1651, avec son train seulement, et joignit son régiment (qui avoit suivi le comte de Marsin) à Montpezat en Quercy. » Histoire de la guerre de Guyenne, page 15. Après la Fronde, craignant d’être sacrifié aux intérêts des chefs du parti, il fit sa paix particulière et fut renvoyé avec le prince de Conty en Catalogne. Il est mort lieutenant général. Une relation manuscrite de Saint-Sever, que M. Pascal