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Mémoires

vous dis le contraire, leur repartis-je, car je suis assurée qu’ils en sont, et vous le connoîtrez dans peu. » En effet, une heure après, il vint quelques lieutenants dire à leurs capitaines que tel, tel et tel ne se trouvoient plus, et que, selon l’apparence, il falloit que ce fussent eux qui avoient fait le vol. Je leur demandai : « N’avoient-ils point de monture, ni les uns ni les autres ? » On me dit qu’il y en avoit seulement un qui avoit une cavale. Mon mari dit au commandant de l’envoyer quérir, et qu’elle serviroit le lendemain de grand matin à le porter à Bordeaux, pour y prendre les choses nécessaires pour notre voyage : que, cependant, il le prioit que, s’il avoit ordre de marcher, il m’emmenât avec eux, et qu’il sauroit toujours bien où ils seroient. Il me dit à moi : « Vous irez avec ces Messieurs, qui sont tous de mes amis, en cas qu’ils soient obligés de partir d’ici. » Ils lui témoignèrent qu’ils auroient bien de la joie de le pouvoir servir en cette fâcheuse rencontre ; ils vinrent tous nous conduire où nous devions coucher. C’étoit une chambre tapissée de toiles d’araignées, où il y avoit un peu de paille assez sale étendue sur le carreau. Je veux croire que c’étoit la plus commode du logis, quoique ce fût une fort grande maison ; mais un régiment tout entier étoit bien capable de la remplir ; et nous ne fûmes pas encore malheureux d’y trouver ce peu de méchante paille. Je fis, sans comparaison, comme les chiens, deux ou trois tours avant que de me cou-