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Mémoires

c’est un signal et que l’on nous a dressé une embuscade. » — « Vous vous moquez d’avoir cette pensée, dit mon mari. C’est un misérable qui apprend et qui ne sait pas son métier. » En causant ensemble et chemin faisant, j’aperçus huit cavaliers démontés qui venoient droit à nous. Je dis : « Ne seroit-ce pas là notre embuscade ? » Je ne me trompois pas, car ce l’étoit elle-même. Nous les rencontrâmes entre deux haies, qui marchoient de front ; ils se séparèrent pour laisser passer le valet de chambre de mon mari, et quand ils furent vis-à-vis de lui, ils le saluèrent tous. Il voulut leur rendre leur salut, et dans ce moment ils se jetèrent sur les deux pistolets, lui disant qu’il falloit qu’il mît pied à terre et qu’ils vouloient avoir sa bourse. Ils avoient vingt-quatre coups à tirer ; chacun deux pistolets de ceinture et un bon mousqueton. Ils entourèrent mon mari de tous côtés, lui tenant le pistolet à l’oreille et le mousqueton dans le ventre. M. de La Guette leur dit : « Songez bien à ce que vous faites ? Vous devez me connoître. » Ils se mirent à jurer comme des désespérés ; disant que si c’étoit M. le Prince lui-même, il ne leur échapperoit pas ; qu’ils étoient des misérables démontés et sans argent ; qu’il leur en falloit à quelque prix que ce fût. Ils fouillèrent mon mari et lui trouvèrent de quoi faire un bon repas, puisque le vol qu’ils nous firent montoit bien à huit mille francs, en chevaux, en hardes et en argent. Mais leur véritable dessein étoit de nous tuer ; et pour cet effet, ils tinrent