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Mémoires

étoit Mme la Princesse, que nous trouvâmes au lit incommodée. Mme de Marsin s’étant approchée, elle lui dit : « Madame, voilà Mme de La Guette qui vient pour avoir l’honneur de faire la révérence à votre Altesse. » Je m’approchai avec respect, et elle me dit : « Je suis bien aise de vous voir, » en me présentant sa main que je baisai. Mme de Marsin prit place, et son Altesse me fit donner un siège ; puis elle s’informa de ce qu’on disoit à Paris et si j’avois bien eu de la fatigue par les chemins. Mme la comtesse de Tourville[1], qui étoit sa dame d’honneur, prit la parole et dit : « Madame, il n’y a pas d’apparence ; je crois qu’elle est venue dans du coton, car la voilà plus jolie et plus fraîche que si elle n’avoit bougé de sa chambre. » Son Altesse me parla encore de plusieurs choses, entre autres elle me dit qu’elle avoit un mal de rate insupportable et me commanda d’approcher afin que je lui misse la main sur le côté ; ce que je fis. Il est vrai que je sentis cette rate si grosse et si dure que cela me fit frayeur. Elle me dit : « Qu’en dites-vous ? » — « Je dis, madame, qu’il faut que votre Altesse se réjouisse, la joie étant le souverain remède à son mal. » — « Ah ! comment me réjouir dans l’état où nous sommes ? » Je lui dis : « Madame, il faut espérer qu’après le mal en viendra un grand bien. » Elle m’ordonna ensuite de passer dans l’appartement de M. le duc de Bourbon[2] qui étoit fort mal ;

  1. Lucie de La Rochefoucauld, veuve en secondes noces de César de Costentin, comte de Fismes et de Tourville.
  2. Louis, duc de Bourbon, né à Bordeaux dans la nuit du 19 au 20 septembre 1652, et baptisé le 18 février 1653 dans