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de Mme  de La Guette.

lui dirai que vous êtes allée par Blaye et que je vous ai manquée, afin que personne ne sache que vous êtes ici, car trop de gens voudroient vous venir voir. » Il ne put néanmoins s’empêcher de le dire à quelqu’un de ses amis, ce quelqu’un le dit à d’autres, et ceux-ci encore à d’autres, en sorte que incontinent après je vis ma chambre toute pleine de gens, quoique je fusse au lit. Ils venoient me congratuler sur mon arrivée ; et entre autres un de la troupe me dit : « Madame, savez-vous bien le malheur qui nous est arrivé à Sarlat ? » — « Quel malheur, monsieur ? lui dis-je. » Il me conte toute l’histoire de la manière que j’ai dit que la chose s’étoit passée. Cela me mit dans des transes mortelles, par la crainte que j’avois pour mon fils, en sorte que je ne dormis point toute la nuit ; et mon mari n’étoit pas fort à son aise non plus.

Le lendemain je fus pour rendre mes devoirs à M.  et à Mme de Marsin. M. de Marsin étoit sorti ; mais aussitôt que Mme de Marsin sut que j’étois là, elle quitta sa toilette et vint nu-tête à ma rencontre jusqu’à son antichambre. Elle me fit cent caresses et me dit les choses du monde les plus obligeantes, se souvenant toujours des services que je lui avois rendus dans son mariage, dont elle me témoigna être la plus satisfaite de toutes les femmes, et que M. son mari la considéroit infiniment. Il en avoit grandes raisons, car elle valoit tout ce qu’une dame de qualité peut valoir. Je n’avois point eu l’honneur de les voir ni l’un ni l’autre depuis l’accom-