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de Mme  de La Guette.

Quand j’eus écrit, je pris congé de mes hôtesses, et nous montâmes à cheval. M. de La Roche Vernay étoit le cavalier du monde le mieux fait et le plus galant. Il me dit cent gentillesses de ses aventures, et me parla aussi d’une inclination de mon mari qui étoit une fort jolie demoiselle : il faisoit tous ses efforts pour me mettre martel en tête, car il étoit malicieux et adroit. Je dis en moi-même : « Je n’y retombe plus. Je sais ce qu’en vaut l’aune. « Il continuoit toujours de me dire des merveilles de cette beauté. Je lui fis connoître que cela ne m’étonnoit point, et que je croyois avoir encore assez de charmes pour détruire toutes les belles impressions que mon mari pourroit avoir eues en mon absence ; que je conservois toujours une étincelle de notre premier feu qui auroit assurément le pouvoir de rallumer le sien. Il vit bien que je n’étois pas tout à fait de ces niaises. Nous brisâmes là-dessus et parlâmes des affaires du temps. Insensiblement il avançoit toujours. Je lui fis connoître qu’il s’engageoit trop avant pour sa personne ; à quoi il fit réflexion et me quitta en me disant des choses obligeantes ; et je lui repartis de même. Il fit faire cent caracoles à son cheval. Je m’arrêtai quelque temps pour voir son adresse, et, selon moi, il pouvoit passer pour un très-bon écuyer. Ses cavaliers me conduisirent jusqu’à Bourdeille. Il m’en coûtoit toujours quelques pistoles en passant, que je donnois à mon escorte pour boire à ma santé. Je fus logée dans un faubourg. Je ne sais qui en avertit