Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
Mémoires

à cet effet à M. de Chavagnac[1], qui étoit dans les troupes du roi, et le pria de m’envoyer quelques gens pour m’escorter. Le lendemain, M. le chevalier de Jonvelle, qui commandoit dans Angoulême en l’absence de M. le duc de Montausier ; me vint trouver dans mon hôtellerie pour m’observer, car tout étoit suspect en ce temps-là. Il me fit beaucoup d’honnêtetés et me demanda si je n’avois point besoin de son service, quand j’avois dessein de partir, et me dit qu’il me donneroit escorte. Je le remerciai civilement et lui dis que j’en attendois une de M. de Chavagnac ; que si, par hasard, il ne pouvoit pas m’en envoyer, je le prierois de me faire cette grâce.

Il pensoit à toute autre chose qu’à ce qu’il me disoit ; car le lendemain un nommé M. de Coulombières me vint visiter pour une seconde fois et me dit que, comme il étoit serviteur de mon mari, il ne pouvoit pas s’empêcher de me dire une nouvelle qui me surprendroit, qui étoit que M. le chevalier de Jonvelle vouloit me faire arrêter ; qu’il ne pouvoit pas croire qu’une femme comme moi fît un si grand et si périlleux voyage seulement pour retirer son mari du parti, comme j’avois dit ; qu’infailliblement il y avoit quelque chose de caché là-

  1. Gaspard, comte de Chavagnac. Il avoit été du parti des princes ; mais croyant avoir à se plaindre du prince de Condé, il avoit fait sa paix avec la cour ; et en ce moment il étoit maréchal-de-camp dans l’armée du duc de Candale. On a de lui des Mémoires qui sont rares, malgré trois éditions ; mais sont-ils bien de lui ?