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de Mme de La Guette.

peine de me dire ce que j’avois à faire, je lui fis une profonde révérence et lui dis : « Madame, je ferai de mon mieux. »

Aussitôt que je fus retournée chez moi, je donnai ordre pour faire partir mes trois filles, et les fis conduire par deux de mes amis à l’abbaye de Ville-Chasson[1], proche Montereau, ayant toujours été d’humeur à ne les confier à personne ; et les mères bien avisées ne doivent jamais faire autrement, sous quelque prétexte de parenté ou d’amitié que ce puisse être. Il les faut toujours tenir à sa ceinture ou en religion ; et, pour conclusion, ce sont de fâcheuses bêtes, et bien à charge à des mères qui aiment l’honneur. J’écrivis aussi un billet à une personne à qui j’avois grande créance et que mon mari considéroit beaucoup, le priant de me venir trouver aussitôt qu’il auroit lu mon billet, que j’avois à lui communiquer quelque chose de conséquence. Il monta à cheval tout à l’heure : il demeuroit à quatre lieues de Paris. Quand il fut entré dans ma chambre, il me dit : « Madame, me voilà ; que souhaitez-vous de moi ? » — « Je souhaite, monsieur, que vous ayez la bonté de m’accompagner à Bordeaux, où je veux faire mon possible pour retirer mon mari du parti où il est. Je sais que vous êtes son ami et qu’il ne sera point

  1. Sainte-Rose de Ville-Chasson, d’abord prieuré dépendant de Rosay, puis abbaye quand Rosay eut été détruite par les Anglois. Elle étoit de l’ordre de Saint-Benoît. Ville-Chasson est situe entre Montereau et Pont-sur-Yonne, près d’Égreville.