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Mémoires

jesté en rendit grâces à Dieu et lui dit qu’elle avoit toujours bien cru que c’étoit un miracle, puisque les Lorrains l’avoient eue si belle et qu’ils avoient manqué leur coup. « Je ne faisois, dit cette princesse, qu’attendre un courrier le jour que l’attaque devoit se faire, qui nous dût apporter de fâcheuses nouvelles. Je veux voir cette personne qui a si bien servi l’État ; et vous la ferez trouver au Val-de-Grâce quand j’irai, ce qui sera dans peu. » M. Philippe n’en demeura pas là et poussa la chose plus loin, disant à la reine : « Madame, Votre Majesté se pourroit servir de la même personne pour l’affaire de Bordeaux, si elle le juge à propos. Elle a grand accès auprès de M. de Marsin, qui a toute créance en elle. Son mari est aussi dans le parti, et il n’y a rien qu’elle ne fasse pour le service du roi et de Votre Majesté. » La reine répondit : « J’y songerai ; et vous me la ferez voir comme je vous ai dit. »

M. Philippe me vit incontinent après qu’il eut quitté la reine, pour me dire toutes ces choses et pour m’avertir de me disposer à avoir l’honneur de voir Sa Majesté au Val-de-Grâce, comme elle lui avoit ordonné. Il me vint prendre trois jours après pour m’y mener, et me présenta à la reine, qui me dit que j’avois agi en véritable Françoise et fidèle sujette, et que je serois récompensée du service que j’avois rendu au roi ; mais qu’il falloit que je fisse un voyage à Bordeaux dans quatre jours, et qu’elle m’en vouloit instruire. Sa Majesté ayant pris la