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de Mme  de La Guette.

de Lescarmoussier. À la vérité, quand je les vis entrer, ils me parurent comme des hommes de pain d’épice, et je ne pus m’empêcher de rire. Ils étoient pourtant braves gens, comme je le reconnus dans la suite. Étant à dîner un jour chez ma sœur, ces messieurs les Lorrains s’avisèrent de jeter des os sous la table. Il y avoit de petits épagneuls qui se tirailloient les oreilles pour les avoir. Par mauvaise rencontre pour moi, il y en eut un qui prit ma jambe, qui n’étoit pas tout à fait si dure que les os, et y fit deux fort belles dentées, que je négligeai, et j’en eus pour près de huit mois sans que cela pût guérir. On a raison de dire qu’il n’y a point de petits maux à la jambe ni de petits coups à la tête. J’ai éprouvé l’un et l’autre, en sorte que j’en puis parler.

L’armée de Lorraine se retira en son pays, et, tous tant que nous étions de réfugiés à Gros-Bois, nous nous en retournâmes en nos maisons. L’affaire de la porte Saint-Antoine arriva ensuite[1]. Nous eûmes en nos quartiers quelques troupes du roi qu’on y avoit envoyées se rafraîchir. C’étoit dans le commencement de la moisson. J’appris que les gens de guerre fourrageoient dans mes grains. J’avois en ce temps-là deux ménages assez amples et assez bien conduits à une lieue l’un de l’autre ; et je puis dire que j’étois laboureuse de bonne foi,

    gardes qui fut tué au siége de Tortose, et un capitaine de vaisseau en 1692. Gazette de France.

  1. Le 2 juillet 1652.