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de Mme  de La Guette.

auprès de moi et y demeura tout le temps de la prison de M. le prince[1]. M. le comte de Marsin fut aussi arrêté et conduit dans la citadelle de Perpignan[2]. Quand mon mari eut été un jour ou deux chez nous, il fut visiter mon père, qui s’étoit disloqué la hanche en tombant de sa hauteur. Par malheur il eut un chirurgien qui n’y entendoit rien du tout et qui le perdit absolument, parce que c’etoit dans le temps de la guerre de Paris qu’il fit sa chute, et que l’on ne put pas avoir lors un plus habile homme. Mon père fit cent caresses à mon mari et ne pouvoit assez lui témoigner la joie qu’il avoit de le revoir. Il lui dit même qu’il étoit résolu de se faire rebriser la hanche par le bailleur[3] du roi, et qu’il le prioit de le vouloir accompagner dans deux jours à Paris, parce qu’il craignoit fort le pont de Charenton, quand son carosse y passeroit, à cause qu’il n’y avoit que des planches mal jointes, et qu’il se tiendroit plus assuré quand il seroit présent. Mon mari ne manqua pas de l’y conduire ; mais on ne voulut jamais faire l’opération, le bailleur disant hautement qu’il mourroit entre ses mains s’il l’entreprenoit. Il fallut donc revenir

  1. Les princes ne sortirent de prison que le 13 février 1651.
  2. Marsin fut arrêté à Barcelonne par l’intendant Bezons et de Marca, évêque de Conserans, plus tard archevêque de Toulouse, « autant de temps, dit Lenet, après que les princes furent arrêtés qu’il en fallut pour envoyer les ordres. »
  3. Bailleur, celui qui remet les os disloqués, les côtes pliées, enfoncées ou rompues. Les Bailleurs ne sont pas érigés en corps de métier ni en officiers ; il faut pourtant excepter les Bailleurs qui servent par quartier chez le roi. Les Bailleurs sont aussi appelés Renoueurs. Dictionnaire de Furetière.