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de Mme de La Guette.

grand coup d’estramaçon[1] sur la tête, qui pénétroit jusqu’à l’os. Il étoit en sang de tous côtés. Quand il me vit, il s’écria : « Madame, si monsieur votre mari avoit été ici, je ne serois pas traité de la sorte. » — « Je vous en réponds, lui dis-je ; les paysans n’auroient pas fait la faute qu’ils viennent de faire. D’où connoissez-vous mon mari ? » — « Je le connois, Madame, pour avoir été un de ses cavaliers. Je me nomme La Ferté ; et si vous n’avez compassion de moi, je suis un homme perdu ; ces misérables ont comploté de me venir tuer cette nuit. » — « Ne craignez rien, lui dis-je ; je vous tiens sous ma protection ; ils n’oseroient seulement y songer ; il suffit qu’ils sachent que je vous ai vu. Cependant il faut visiter vos plaies, aussitôt que le chirurgien aura fait avec vos camarades ; et je ne vous quitterai point que je ne sache l’état où vous êtes. »

Les parlementaires, de leur côté, s’en retournèrent bouffis de gloire dans Paris avec toute la défroque, tant des marchands que des chevaux des gardes. Ils emmenèrent aussi un gentilhomme de nos voisins et son fils, qui se rencontrèrent là par hasard. Je crois que ce fut le plus grand exploit de guerre qu’ils aient fait dans toute leur rébellion, et le plus agréable aux Parisiens, parce qu’ils leur

  1. Estramaçon, coup qu’on donne du tranchant d’une forte épée, d’un coutelas, d’un cimeterre. On le dit aussi de l’arme même ; et c’est la partie du sabre qui est environ d’un demi-pied au-dessous de la pointe. Dictionnaire de Furetière.