Page:La Guette - Mémoires, 1856.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
de Mme  de La Guette.

mander secours contre les gens qui avoient enlevé leur marchandise et pour la ravoir s’il y avoit moyen. On commanda soixante ou quatre-vingts maîtres pour courir après. Ils arrivèrent justement dans le temps que ces gardes se rafraîchissoient. Aussitôt que les paysans aperçurent les parlementaires proche d’eux (c’est ainsi qu’on appeloit les ennemis du roi), ils rentrèrent au plus vite dans l’enceinte de leurs murailles et laissèrent ces pauvres gardes, qui n’étoient que sept, à la merci de ces gens-là. On en vint au qui-vive ? de part et d’autre ; les gardes parlèrent les premiers et dirent vive le roi ! Les autres dirent vive le parlement ! et tout d’un temps nos misérables paysans s’avisèrent de crier aussi vive le parlement ! Il falloit être fou pour en venir là. Les parlementaires tirèrent force coups de pistolet sans faire mal à personne, n’étant pas des plus adroits ni des plus aguerris. Les gardes prient qu’on ouvre le guichet de la porte pour leur sauver la vie. Il fut ouvert, et quatre entrèrent ; les trois autres s’étant démêlés adroitement, ils échappèrent à soixante ou quatre-vingts cavaliers. Aussitôt que les quatre malheureux furent entrés, ces rustiques se jetèrent sur eux et leur donnèrent cent coups. Ils mirent pistolet, hallebarde et serpe en œuvre avec une telle cruauté qu’ils les mirent tout en sang. Deux se sauvèrent chez ma nourrice ; et y étant courue au plus vite pour y mettre ordre,


    Rentrez , bourgeois ; ne donnez pas.
    On a trop soin de votre vie.