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de Mme  de La Guette.

a pas à rire ; je suis blessée ; gagnons ma chambre ; j’ai besoin de repos ; cependant, que l’on coure à ma sage-femme. » Elle vint aussitôt qu’elle fut avertie et trouva mon enfant déplacé ; elle y remédia promptement, et m’ordonna de garder le lit quelques jours. Quand je fus seule avec mon mari, je lui dis comme j’avois donné ma parole à mon père qu’il ne seroit jamais inquiété ni de lui ni de moi, et qu’il demeureroit paisible possesseur du bien de ma mère. Il me répondit ; « Vous avez fait fort prudemment ; j’en ai de la joie, et vous n’en serez pas dédite. » Je l’assurai aussi qu’il pouvoit voir mon père, toutes fois et quand il voudroit ; que ce qui étoit passé étoit passé, et que l’on n’en parleroit jamais. Il me dit : « Cela est fort bien. Guérissez-vous seulement, et nous y irons ensemble » ; ce que nous fîmes à quelque temps de là. Mon père nous reçut fort humainement et nous fit bonne chère ; les plats demeurèrent fermes et ne s’envolèrent pas comme ils avoient fait l’autre fois, et on les emporta paisiblement à la fin du repas. Nous lui rendions nos respects fort soigneusement, et toujours avec satisfaction, parce qu’il nous témoignoit beaucoup de bonne volonté.

Je passois d’ordinaire le carnaval chez ma sœur, étant presque toujours sans mari. Il étoit en Italie[1] en ce temps-là. Un matin, comme je fus éveillée,

  1. Il y avait alors deux généraux françois en Italie : le duc de Longueville, qui commandoit l’armée d’opération, et le maréchal du Plessis-Praslin, qui lui conduisoit une armée de secours. La paix se fit avec le duc de Savoie, le 3 avril 1645.