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préoccupation se retrouve sous toutes ses paroles. C’est du même point de vue qu’elle envisage tous les sujets. Ayant trouvé une réponse à cette question fondamentale, elle en déduit ses opinions sur les points particuliers. Elle tire en quelque sorte les applications du principe qu’elle a posé.

Or ce principe, cette réponse lui ont valu à la fois les haines les plus violentes et la gloire la plus brillante. En lisant les catalogues de librairie on voit que ses ouvrages ont été vendus en Suède, en Allemagne, en Danemark, en Angleterre par milliers. En lisant les articles que leur ont consacrés les revues et les journaux, on voit qu’Ellen Key a été vénérée ou vilipendée comme seuls les novateurs et les prophètes peuvent l’être jamais. C’est qu’en effet la solution qu’elle nous propose mécontente à la fois les socialistes et les individualistes, dont elle s’efforce de concilier les opinions, sans oublier les innombrables défenseurs du passé que de toute façon elle condamne à disparaître. Il faut dire aussi qu’elle aborde tous les sujets avec une franchise audacieuse, expose ses opinions avec un enthousiasme religieux, et porte ses coups sans mesquinerie mais sans ménagement. Sa parole paisible entraîne les auditoires. Aucun lecteur ne peut lire ses écrits d’un cil distrait. Elle étonne ou convainc, fait sourire ou bondir ; toujours elle passionne. À ce titre seul elle mériterait de ne pas demeurer ignorée.

II

La vie et le tempérament d’Ellen Key expliquent ses œuvres. Elle dit elle-même : « Je suis née le 11 décembre 1849 à Sundsholm, le premier enfant de parents jeunes et heureux. » Le spectacle offert à ses yeux d’enfant qui s’ouvraient fut donc un spectacle de bonheur. Ses parents étaient jeunes, assez riches et s’aimaient. La maison où elle naquit n’avait pas les dimensions d’un palais. Mais elle était confortable. Ce qui vaut mieux encore, elle se trouvait à la campagne, proche d’une forêt où l’enfant adorait se promener, et, non loin d’un étang où elle se plaisait à nager. Ces impressions d’enfance demeurent ineffaçables. Ellen Key doit sans aucun doute à ces années délicieuses cet optimisme robuste, invincible, exalté qu’elle a conservé au milieu de toutes les vicissitudes de sa vie. Elle leur doit ce sentiment profond que, seul, l’amour donne aux parents le vrai bonheur, en même temps qu’il assure aux enfants un naturel heu-