Page:La Grande Revue, Vol 40, 1906.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Et les flottes superbes et les armées glorieuses,
Et les couronnes que les rois posent sur leur front,
Et ces millions, qui en amas luxueux
Sont entassés chez le riche, oppriment le pauvre
Et sont extorqués à la sueur du peuple hébété.

La religion — phrase par eux inventée
Afin que par son pouvoir ils vous courbent sous le joug,
Car s’il manquait aux cœurs l’espoir de la récompense,
Après que vous travaillâtes amèrement, misérables toute votre vie,
Supporteriez-vous encore la condamnation, comme des bêtes à la charrue ?

Elle vous a obscurci la vue par des ombres qui ne sont pas,
Et vous a fait croire que vous serez récompensés…
Non ! La mort dans la vie a éteint tout plaisir —
Celui qui en ce monde n’a eu que des douleurs
N’a rien au-delà, car bien morts sont ceux qui sont morts.

Mensonges et phrases voilà tout ce que les états soutiennent,
Et non point l’ordre naturel.
Pour que vous défendiez leur fortune, leur grandeur et leur bien-être
Ils arment vos bras, afin que vous frappiez en vous-mêmes,
Et ils vous mènent à la guerre contre vous-mêmes.

Pourquoi faut-il que vous soyez les esclaves de leurs millions néfastes,
Vous, qui à peine pouvez vivre de votre travail ?
Pourquoi faut-il que la maladie et la mort soient votre lot,
Lorsqu’eux dans leurs richesses splendides et vastes
Vivent comme dans les cieux, n’ont même pas le temps de mourir ?

Pourquoi oubliez-vous qu’en vous est le nombre, en vous le pouvoir ?
Vous pourrez très aisément, quand vous le voudrez, vous partager la terre.
Ne leur construisez donc plus de maisons où ils enferment des richesses,
Où voudriez-vous qu’on vous enferme, quand poussés par la souffrance
Vous croyez avoir, vous aussi, le droit de vivre.

Eux, protégés par les lois, s’abandonnent aux plaisirs
Et ils sucent à la terre sa plus douce sève,