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Empereur et prolétaire


Sur des bancs de bois, dans la basse taverne sombre,
Où le jour pénètre à travers les vitres sales,
Autour de longues tables, était assise, triste,
Une bande errante, faces assombries,
Enfants pauvres et sceptiques de la plèbe prolétaire.

Ah ! s’exclamait l’un, vous dites que l’homme est une lumière
Sur ce monde plein d’amertumes et de torture ?
En lui nulle étincelle n’est candide ni entière,
Son rayon est sordide comme le globe de boue
Sur lequel il règne tout puissant.

Dites-moi qu’est-ce que la justice ? — Les forts se retranchèrent
Avec leur fortune et leur grandeur derrière leur cercle de lois ;
On les voit éternellement comploter, au moyen des biens qu’ils ont volés,
Contre ceux qu’ils condamnèrent au labeur
Et dont ils exploitent le travail de toute une vie.

Les uns comblent de plaisirs leur vie,
Ils passent des jours joyeux et les heures leur sourient ;
Vin d’ambre dans les coupes ; l’hiver, jardins, verdures,
L’été, divertissements, Alpes aux fronts de glace ;
Ils font de la nuit le jour et ils bouchent les yeux du jour.

La vertu pour eux — ça n’existe pas. Mais ils ont soin
De vous la prêcher, car c’est vous qui devez être les bras forts
Des États, masses lourdes qu’il faut pousser,
Et elles doivent être luttées, les guerres une fois allumées ;
Car vous mourant dans le sang, eux peuvent être grands.