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vivifie, et, si tu succombes, ce sera sa terre qui te couvrira. Dans l’univers immense il n’y a pas de place pour toi en dehors d’elle ; que la main du sort te bénisse ou te frappe, c’est ici que tu dois vivre et mourir !


Quelques mois plus tard Vorosmarty laissait encore parler ses sentiments patriotiques. Il s’adressait cette fois aux femmes de l’aristocratie magyare et sous le titre de : La mère délaissée, il leur montrait la Patrie pleurante de leur défection ou au moins de leur indifférence. Voici le début de cette pièce :

Je connais une douce mère, hélas ! délaissée, qui en s’abandonnant au chagrin, se consume, dédaignée, évitée par ses filles, bien qu’avec affliction elle leur parle ainsi en mère fidèle : « Ô ! venez dans mes bras, mes enfants jolies, mes mains vous attendent pour vous bénir. Ô ! approchez-vous de votre mère, elle se consume dans une solitude horrible ! Ô ! venez sur mes genoux, mes enfants, tant que mes chaudes larmes ne sont pas taries ! »

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Et le poète frappe durement lorsqu’à la fin il s’écrie :

Le portrait de cette mère affligée est ton portrait, ô Patrie ! Avoir des cœurs de marbre est la malédiction qui pèse sur tes femmes !

Cependant, le système gouvernemental de M. de Metternich devenait chaque jour plus lourd aux Magyars et ils le supportaient avec d’autant plus d’impatience que les idées nouvelles, semées par des patriotes ardents, comme Vorosmarty, les pénétraient davantage. Un souffle de liberté venait aussi de la terre française où s’achevait la Révolution de 1848. Peut-être fit-elle éclore, un peu plus tôt, et comme contre-coup, le mouvement hongrois. On avait pu le pressentir et le poète avait déjà adressé à la cour de Vienne, de plus en plus oppressive, des paroles où sous la fierté grondait une sourde révolte. Il s’agissait de bâtir à Pesth un palais pour le Parlement hongrois — en magyar : la Maison du Pays — et le gouvernement de Metternich souleva toute espèce de difficultés pour faire échouer ce projet. Alors l’auteur célèbre du Szozat, indigné de tant de perfidies,