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XXVII

Le diable est aux vaches !


Madame Parlaplein retourna au village assez à bonne heure avant la messe de minuit.

Elle eut affaire, cette fois, dans toutes les maisons, où après échange des saluts d’usage elle disait : « Contez-vous qui s’en passe des affaires au jour d’aujourd’hui ! Si c’est pas effrayant ! » Ou encore : « Croyez-vous, hein, si c’est pas trop triste pour ce pauv’ Baptiste Pinette ?… »

Si on faisait la sourde oreille, si on avait l’air de ne pas saisir l’allusion, elle ne se sentait que plus heureuse ; et sur le ton de l’étonnement le plus parfait, elle continuait : « Comment ! vous ne savez pas ? Mais le diable est aux vaches dans le Toa !… Y a peut-être cinquante personnes de rendues dans l’étable à Baptiste… des hommes, des créatures, jusqu’à des enfants… »

— Qu’est-ce qu’y font là ?

— Y font !… Y regardent mourir les alimaux à Baptiste, pi y regardent l’Antercri[1] faire ses simagrés.

— Qui ça, l’Antercri ?

— Mais, le Savage du lac, le marichal ! Y parait qu’c’est l’Antercri tout pur, le guiabe en personne ce savage là. Les cheveux en redressent rien qu’à l’entendre parler… Baptiste est venu trouver le curé pour le faire envoyer, mais le Savage y a fait réponse qu’y partirait quand y voudrait… qu’y était maître dans l’étable. Si c’est pas effronté ! Faut dire aussi qu’y n’a un bon avec lui pour le seconder : le gâs du père Tremblay, le Djimé, là ! Que ça a couru l’Afrique et l’Amérique ; les chanqués pi les facteries ; ça été jusque dans le Michiganne, et en haut de Shalbrouque ; c’est à moitié protestant : ça peut éventer les sacres ; pi c’est bon

  1. L’Antéchrist.