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XV

Au chantier


Un soir, dans la campe No 2 de l’un des chantiers de la Boudrée, le draveur[1] de provisions rapporta des lieux civilisés une lettre qui rendit tout pensif le meilleur teamster (charretier) de la conçarne, Baptiste Finette. Au moins, affirmaient ses camarades, il eut été le meilleur si ses chevaux fussent arrivés mieux préparés à prendre l’hivernement.

Quoi qu’il en soit, Baptiste était déjà fort estimé dans la campe. Il était bien instruit, disait-on, savait lire et écrire, faisait bien parler une lettre, avait même toujours un fion de prêt quand il s’agissait de correspondances sentimentales. Grâce à ce talent d’épistolier, il était vite devenu le secrétaire général et universel de toute la gang ; et même des chantiers voisins.

Aussi ce fut avec regret que le lendemain, trois jours avant Noël, les camarades le virent plier ses sleighs[2] et prendre le « tôte road » pour retourner dans les Townships, où il arriva l’avant-veille de Noël.

  1. Du mot anglais driver.
  2. Note pour la Société du Parler Canayen.

    Plier ses sleighs, dans le langage suggestif de nos travailleurs des bois n’est pas une simple image. Le charretier qui quitte le chantier, ramène l’arrière train de son double traîneau sur le train d’avant, y jette pour les besoins du voyage, une grosse botte de foin et un sac d’avoine, puis : « fouette cocher ». Plier ses sleighs a donc la même signification que plier bagages.