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d’en faire l’expérience, répondit la jeune fille, demi-souriante, demi-inquiète. Mais je m’étonne qu’André ose adresser cette question à sa sœur ; douterait-il de moi ?

— Ah ! c’est que, mon amie, les révélations que j’ai à te faire sont d’une réalité si décevante, d’un imprévu si loin de ton esprit, et surtout de ton cœur, que je crains…

— Eh ! que peux-tu craindre ?

— Je crains que tu ne m’aimes plus quand tu sauras la vérité.

— Est-ce raisonnable, cela, André ? ne plus t’aimer ! mais il faudrait donc que j’eusse oublié les soins dont tu entouras mon enfance. Est-ce qu’on peut cesser d’aimer sa mère ?… tu fus la mienne ; tu le sais bien. Oh ! je te vois encore préparer toi-même ma nourriture, faire ma toilette, friser mes cheveux, habiller mes poupées avec cette patience qu’ont seules les mères, dit-on. Jusqu’au jour où tu me plaças dans cette maison, nul autre que toi n’eut le droit de me servir ; pendant les premières années, mes vacances ne furent qu’une longue fête ; tu ne savais, mon André, quel nouveau plaisir inventer chaque jour pour moi. Depuis trois ans seulement tu m’as condamnée à ne jamais sortir d’ici, à te voir rarement ; j’ai souffert, mais je m